Les audiences du Tribunal se sont déroulées le 15 et 16 octobre 2016 à l'Institute of Social Studies (ISS) à La Haye, aux Pays-Bas. Cinq juges de renommée internationale ont entendu 30 témoins et expert·es des 5 continents. Les juges du Tribunal ont rendu un avis juridique le 18 avril 2017.

Textes des contributions et témoignages | Vidéos des témoignages | Programme des audiences

L'objectif du Tribunal est de livrer un avis juridique consultatif sur les dommages sanitaires et environnementaux causés par la multinationale Monsanto, contribuant ainsi au débat visant à inclure le crime d'écocide dans le droit criminel international. Le Tribunal permet également de mettre à disposition des populations partout dans le monde un dossier légal pouvant être utilisé dans des poursuites contre Monsanto et des entreprises similaires.

Contexte du projet :

Selon les critiques de Monsanto, la multinationale a pu ignorer les dommages humains et écologiques causés par ses produits et maintenir ses activités dévastatrices grâce à une stratégie d’occultation systématique : lobbying auprès des agences de réglementation et des autorités gouvernementales, mensonges et corruption, financement d’études scientifiques frauduleuses, pression sur les scientifiques indépendants, manipulation des organes de presse, etc.

Le projet est parti du constat que seules des actions au civil sont aujourd’hui possibles contre la multinationale américaine afin d’obtenir une indemnisation des victimes. Ces procédures sont un parcours d’obstacles pour les victimes, qui hésitent à investir du temps et de l’argent dans un procès à l’issue incertaine. Et lorsqu’une entreprise comme Monsanto se trouve sur la défensive, elle cherche à conclure un règlement à l’amiable, de manière à éviter qu’émerge une jurisprudence défavorable.

Aucun outil juridique ne permet aujourd’hui de poursuivre au pénal une entreprise telle que Monsanto, ni ses dirigeant·es, qui sont responsables de crimes contre la santé humaine ou contre l’intégrité de l’environnement.

Chaque année, Monsanto provisionne des sommes colossales pour faire face aux procès que pourraient lui intenter les victimes de ses produits. Ce qui ne l’incite pas à changer de pratiques. Tant qu’il demeurera plus profitable pour les actionnaires de faire courir des risques à la collectivité - quitte à devoir dédommager des victimes de temps à autre quand des procès sont engagés - ces pratiques subsisteront.

L’histoire de Monsanto constitue ainsi un paradigme de l’impunité des entreprises transnationales et de leurs dirigeanes qui contribuent au dérèglement du climat et de la biosphère et menacent la sûreté de la planète.

Le Tribunal ne vise donc pas uniquement Monsanto. A travers cette entreprise, c’est tout le système agro-industriel qui est visé. Au-delà de Monsanto, il s’agit de monter un procès exemplaire pour dénoncer toutes les multinationales et entreprises qui ont un comportement entrepreneurial ignorant les atteintes à la santé et à l’environnement causées par ses décisions.


Objectif général du Tribunal :

Obtenir le jugement, même symbolique, de l’entreprise Monsanto par un tribunal composé de vrai·es juges et fonctionnant comme un vrai tribunal international, et contribuer à la mise en place de mécanismes internationaux permettant aux victimes des multinationales de se porter en justice.


Objectifs spécifiques :

- Evaluer les faits qui sont reprochés à l’entreprise Monsanto et juger les dommages causés par la multinationale au regard du droit international en vigueur ;
- Evaluer les actions de Monsanto au regard du crime d’écocide, dont l’inclusion a été proposée dans le droit international pénal par des mouvements citoyens ;
- Examiner l’opportunité de réformer le Statut de Rome créant la Cour pénale internationale afin d’y inclure le crime d’écocide et de permettre la poursuite des personnes physiques et morales soupçonnées d’avoir commis ce crime.

Résultats attendus / Impact du Tribunal :

Les opinions publiques et les personnes chargées des décisions politiques auront une meilleure connaissance des pratiques de l’entreprise Monsanto et de leurs impacts sur l’environnement et sur les droits humains fondamentaux. Le Tribunal aura contribué à la prise de conscience des dangers d’une agriculture industrielle et chimique et de la nécessité de changer le paradigme agricole.

Le Tribunal aura contribué aux débats en cours visant à clarifier ce que signifie le fait de tenir une entreprise responsable de violation des droits fondamentaux, tels que le droit à l'alimentation, le droit à la santé, le droit à l’information etc.

Les travaux du Tribunal auront permis de mettre à disposition des victimes et de leurs avocat·es des arguments et des bases juridiques de nature à faciliter les actions en justice contre l’entreprise Monsanto au niveau national.

Le Tribunal aura mis en lumière la nécessité de faire évoluer le droit international pour permettre aux personnes victimes de pratiques d’entreprises transnationales d’avoir un réel accès à la justice.

Le Tribunal aura montré, à travers l’exemple de l’entreprise Monsanto, pourquoi il est essentiel d’intégrer le crime d’écocide dans le droit international.


Fonctionnement du Tribunal :

Afin d’évaluer le comportement de l’entreprise Monsanto, le Tribunal s'est appuyé sur les Principes directeurs des Nations Unies sur les entreprises et les droits de l’Homme, adoptés par le Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU en juin 2011 et sur le statut de Rome à l’origine de la création de la Cour pénale internationale (CPI) compétente pour juger les auteur·es présumé·es de crimes de génocide, crimes contre l’humanité, crimes de guerre et crime d’agression.

Les Principes directeurs des Nations Unies sur les entreprises et les droits de l’Homme formulent de la manière la plus autorisée au plan international les responsabilités des entreprises au regard des droits humains. Les Principes directeurs énoncent que les entreprises doivent respecter l’ensemble des droits humains, y compris le droit à la vie, le droit à la santé, et le droit à un environnement sain. Ils définissent les attentes de la société vis-à-vis des entreprises, et ils sont le standard sur lequel les plaignant·es ont pris appui, en réclamant à Monsanto la réparation des dommages subis en raison des activités de celle-ci. En outre, le Tribunal a examiné si certains des actes de Monsanto pourraient recevoir une qualification pénale, soit en vertu du droit international pénal existant, soit sur la base du crime d’écocide, dont la reconnaissance progresse.

En amont de l’événement, des groupes de travail ont été chargés d’étudier les impacts des activités de Monsanto au regard des 6 axes suivants :

  • droit à un environnement sain
  • droit à la santé
  • droit à l’alimentation
  • liberté d’expression et liberté de recherche académique
  • complicité de crimes de guerre
  • crime d’écocide

Les termes de références sont les suivants :

Axe 1 : La firme Monsanto a-t-elle, par ses activités, porté atteinte au droit à un
environnement sûr, propre, sain et durable, tel que celui-ci est reconnu en droit international des droits de l'Homme (Rés. 25/21 du Conseil des Droits de l'Homme, du 15 avril 2014), compte tenu des responsabilités qu'imposent aux entreprises les Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’Homme, tels qu’ils ont été approuvés par le Conseil des droits de l’Homme dans sa résolution 17/4 du 16 juin 2011?

Axe 2 : La firme Monsanto a-t-elle, par ses activités, porté atteinte au droit à l'alimentation, tel que celui-ci est reconnu à l'article 11 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, aux articles 24.2(c) et (e) et 27.3 de la Convention relative aux droits de l'enfant, aux articles 25(f) et 28.1 de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, compte tenu des responsabilités qu'imposent aux entreprises les Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, tels qu’ils ont été approuvés par le Conseil des droits de l’homme dans sa résolution 17/4 du 16 juin 2011?

Axe 3 : La firme Monsanto a-t-elle, par ses activités, porté atteinte au droit au meilleur état de santé qu'elle soit capable d'atteindre, tel que celui-ci est reconnu à l'article 12 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, ou au droit de l'enfant de jouir du meilleur état de santé possible, tel que garanti par l'article 24 de la Convention relative aux droits de l'enfant, compte tenu des responsabilités qu'imposent aux entreprises les Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, tels qu’ils ont été approuvés par le Conseil des droits de l’homme dans sa résolution 17/4 du 16 juin 2011?

Axe 4 : La firme Monsanto a-t-elle porté atteinte à la liberté indispensable à la recherche scientifique, telle que garantie à l'article 15, para. 3 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, ainsi qu'aux libertés d'opinion et d'expression consacrées à l'article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, compte tenu des responsabilités qu'imposent aux entreprises les Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’Homme, tels qu’ils ont été approuvés par le Conseil des droits de l’Homme dans sa résolution 17/4 du 16 juin 2011?

Axe 5 : La firme Monsanto s'est-elle rendue complice d'un crime de guerre, au sens de l'article 8 para. 2 du Statut de la Cour pénale internationale, par la fourniture de matériaux à l'armée des Etats-Unis dans le cadre de l'opération "Ranch Hand" déclenchée au Viet Nam à partir de 1962 ?

Axe 6 : Les activités passées et présentes de la firme Monsanto sont-elles susceptibles de réunir les éléments constitutifs du crime d'écocide, entendu comme consistant dans le fait de porter une atteinte grave à l'environnement ou de détruire celui-ci de manière à altérer de façon grave et durable des communaux globaux ou des services écosystémiques dont dépendent certains groupes humains ?


Le Tribunal Monsanto a recueilli des témoignages et un travail important de collecte d’informations a eu lieu. Olivier De Schutter, professeur de droit à l’Université de Louvain, a travaillé avec une quarantaine d’étudiant·es pour examiner les dossiers des victimes et identifier les chefs d’inculpation. Ils et elles ont préparé des mémoires juridiques que les plaignant·es et leurs avocat·es ont pu utiliser dans leur plaidoirie.

Des juristes de haut rang, magistrat·es, avocat·es et juges issu·es des cinq continents ont été mobilisé·es pour la tenue du Tribunal, présidé par Françoise Tulkens (Belgique), ancienne Vice-Présidente de la Cour européenne des droits de l'Homme.

Le Tribunal Monsanto a auditionné une trentaine de témoins, expertes et experts venus des Amériques, d’Europe, d’Asie et d’Afrique. Les parties demanderesses ont été représentées par un·e avocat·e expérimenté·e dans ce type d’affaires.

Le Tribunal s'est conformé aux principes généraux du droit de la procédure civile. La multinationale Monsanto a donc été invitée à faire valoir ses arguments. Monsanto, en tant que défendeur à l’action, aurait eu l’opportunité de répondre à leurs allégations et de mettre en doute la qualification juridique de ses comportements, ainsi que de contester les demandes des victimes alléguées. Cependant, Monsanto n'a pas répondu et a choisi de ne pas être présente. Sa lettre ouverte, publiée quelques jours avant l'ouverture du Tribunal, a été versée au dossier afin d'être prise en compte par le panel de juges.

Comme à la Cour Internationale de Justice, la présidente a reçu les documents de touts les personnes qui veulent participer. Les avocat·es ont préparé et soumis leurs conclusions pour soumission aux juges, et sont également apparu·es devant les juges à l’audience pour plaider. Les victimes ont également soumis des documents aux juges et les plaignant·es se sont exprimé·es à l’audience. Les juges ont délibéré et ont livré un avis consultatif sur les 6 questions, basé sur les éléments soumis par les avocat·es et les plaignant·es.

Vous pouvez lire l'avis consultatif en version intégrale ou résumée, ou voir la vidéo récapitulative de l'avis consultatif des juges ici.


Expertise mobilisée pour le projet:

Le projet a été initié par un groupe de personnalités de la société civile venant de différents horizons professionnels, qui disposent toutes d’une expertise en relation avec les thèmes et enjeux traités par le Tribunal Monsanto. Ce groupe a fédéré autour de lui d’autres représentant·es de la société civile disposant également d’une expertise pertinente pour le projet. Ces personnes composent le comité d’organisation du Tribunal Monsanto, avec l’engagement de mettre leur expertise à disposition du projet sur une base essentiellement bénévole.

Voir la liste de tous les membres du comité d’organisation.

En termes d’expertise, il est également à souligner que des étudiant·es de plusieurs universités ont participé à la phase de recherche et d’études de cas :

Université de Louvain (Belgique)
Yale University (Etats-Unis)
Université de Bordeaux (France)

Consulter la liste des Organisations de la société civile soutenant le projet.

Des organisations de la société civile des cinq continents ont été sollicitées pour contribuer à l’identification des juges, avocat·es, plaignant·es et témoins.

Elles ont été invitées à participer à la diffusion de l’information sur le projet dans leur pays respectif et à la mobilisation citoyenne.

Elles se sont mobilisées pour contribuer à l’organisation de l’Assemblée des Peuples tenue en parallèle du Tribunal Monsanto.


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